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On a vu pour vous: La restitution finale du projet LittoSIM-GEN

Un dispositif de simulation participative à destination des acteurs de la prévention des risques de submersion marine : retour sur cinq ans de déploiement, d’analyse, d’adaptation et de transfert de LittoSIM pour tendre vers un dispositif générique et ré-appropriable

La restitution finale du projet LittoSIM-GEM a rassemblé le 2 mars 2023 à la Rochelle Université une trentaine de personnes en présentiel et une cinquantaine en visioconférence, issues du monde de la recherche, de l’action publique territoriale ou encore du milieu associatif.
Le présent retour n’a pas vocation à proposer un compte-rendu détaillé de la journée mais à mettre en lumière les questionnements, résultats du projet et pistes de recherche qui ont nourri les discussions du public en présence. Il est nécessairement subjectif et ne prétend pas à l’exhaustivité.

« LittoSIM-GEN, un dispositif du terrain qui y revient »

Les intervenants ont retracé le parcours, physique et humain, du dispositif.  LittoSIM a été créé dans un contexte géographique et politique particulier, celui de la réforme GEMAPI à Oléron.  A partir des préoccupations des agents territoriaux et élus oléronais, un dispositif de simulation participative a vu le jour, pour : leur permettre de mieux comprendre les phénomènes liés aux risques littoraux ; et développer leur capacité à travailler ensemble et à établir des stratégies  d’adaptation sur le temps long. Suite à cette première expérience, la simulation a été exportée et modifiée. Une balade au fil des côtes a été proposée au public, pour présenter les spécificités géographiques mais aussi politiques de chaque atelier de simulation participative. Au fil de la douzaine d’ateliers d’une demi-journée organisés, rassemblant plus d’une centaine de participants dans différents contextes métropolitains, la question de l’adaptation du dispositif aux enjeux locaux s’est posée. L’évaluation, et l’expérience,  ont mis en évidence deux éléments clés : l’adaptation du modèle ; et le contexte de déploiement des ateliers.

Comment rendre compte dans le modèle de la spécificité des différents terrains ? Est-il nécessaire de développer un nouveau modèle, un nouveau jeu pour chaque territoire ?

LittoSIM-GEN a proposé une solution intermédiaire : développer trois archétypes. La métaphore du tee-shirt a permis d’expliquer l’archétype : entre le prêt à porter et le sur-mesure, il s’agit de « développer trois tailles de tee-shirt, S, M et L », représentant trois modèles chacun susceptible de correspondre aux enjeux de plusieurs territoires littoraux. Les chercheurs expliquent que le cahier des charges était ambitieux : il fallait à la fois être réaliste mais en même temps permettre une prise en main qui tienne dans le temps d’un atelier. Un modèle de modélisation des processus physiques trop précis aurait pris trop de temps à jouer et, en même temps, le réalisme de la simulation a été identifié par les partenaires locaux comme un élément clé pour engager les participants dans le jeu. Les résultats de l’évaluation des ateliers – objet d’une thèse en cours – et les joueurs présents dans la salle l’ont confirmé. Sur chaque territoire, un comité de pilotage constitué d’acteurs locaux et de scientifiques a ainsi participé à définir le bon équilibre entre précision de la simulation et généricité, et à sélectionner des éléments importants à inclure dans le modèle, en fonction des objectifs des acteurs du comité par rapport aux enjeux locaux.

Avec qui jouer ? Qui inviter aux ateliers pour stimuler et ensuite porter la réflexion sur le territoire concerné ? A quel moment ?

Le public s’est rapidement interrogé sur l’absence des habitants dans les ateliers LittoSIM. Les chercheurs ont expliqué que s’ils n’étaient pas présents en tant que joueurs, ils étaient bien souvent au cœur des réflexions des élus et fonctionnaires, tant pendant la simulation que durant le débriefing. Le dispositif a également suscité des échanges très riches sur les effets de solidarité entre les territoires. LittoSIM ayant été conçu à partir des préoccupations et des habitudes de travail de techniciens et gestionnaires de l’aménagement du territoire et des risques littoraux, il est apparu que le dispositif était certainement trop technique pour être proposé aux résidents, et qu’il faudrait revoir la dynamique de jeu pour le leur proposer.

Si l’évaluation des ateliers a mis en évidence qu’un modèle réaliste favorise systématiquement les attitudes réflexives, elle montre également que la sélection des participant.es participe grandement à la réflexivité. Le public présent a rebondi sur cet élément : qui peut être considéré comme un acteur stratégique à inviter, pour jouer et ensuite porter les messages qui émergent en atelier ? Travailler sur la diversité des publics, on le sentait et on en a maintenant la confirmation grâce à l’évaluation, c’est extrêmement important. Plus que le public, c’est aussi le contexte de l’atelier qui importe : plus l’atelier est articulé à une intention, un objectif, mieux c’est. Il ne s’agit pas seulement d’inviter des « acteurs stratégiques », mais aussi d’adopter un comportement stratégique dans la conduite de l’atelier, pour que les effets d’apprentissages, de mise en capacité des participants, se concrétisent par des impacts sur le territoire.

A aucun moment le principe du jeu sérieux n’a été remis en question, au contraire. Un participant s’est interrogé sur la raison pour laquelle, dans la vidéo de présentation de LittoSIM, on semblait ressentir le besoin de prendre la défense du concept de jeu sérieux. Les chercheurs ont indiqué que le concept semblait effectivement aujourd’hui être bien accepté et s’imposer dans l’action territoriale, alors que ce n’était pas forcément le cas au début du projet. Les élus présents ont confirmé avoir été séduits par l’expérience, et ne pas avoir d’objection à l’utilisation d’un jeu sérieux pour aider à la prise de décision – tant que l’organisation est sérieuse et les bases scientifiques du modèle robustes.  Tant le principe du jeux sérieux que de la simulation font consensus, à tel point que le problème n’est pas de justifier l’intérêt de la simulation participative, mais de savoir comment s’organiser pour répondre à la demande.

« L’enjeu pour demain, c’est de s’organiser pour répondre à l’appétence de LittoSIM »

La possibilité de transfert vers d’autres territoires ne fait pas plus de doutes que l’intérêt pour la simulation participative, aussi bien de la part des acteurs que de la communauté scientifique.

Elle a d’ailleurs déjà été mise en pratique. Deux exemples de transferts internationaux, au Vietnam et à Madagascar, ont été présentés. Dans les deux cas, les chercheurs ont insisté sur le temps nécessaire pour comprendre les enjeux littoraux spécifiques, mais aussi le contexte de la prise de décision. Il est par exemple apparu inévitable dans le contexte vietnamien d’intégrer aussi bien l’organisation centralisée du pays que des solutions locales, comme les digues en bois de coco. Il a donc été essentiel d’échanger avec les chercheurs locaux, puis avec les acteurs locaux avant d’adapter les modèles, et le déroulé des ateliers.

Qui former pour animer le dispositif, et le porter vers d’autres territoires ?

La formation de futurs animateurs a démarré pendant le temps du projet. Plus que des animateurs, elle a créé une communauté favorisant l’échange d’expériences : la LittoTEAM, un collectif créé à l’issue de la première session de formation, amené à n’en point douter à se développer – des membres du public présent ont demandé comment la rejoindre. Comme le dispositif en lui-même, la formation s’est enrichie au fil des sessions. Il est notamment paru important de développer la présentation et l’appropriation des archétypes, comme de l’agence du risque – un personnage du jeu dont le rôle peut évoluer en fonction des territoires ; mais aussi de questionner la matérialité du dispositif.

Le public s’est interrogé sur les animateurs qui seraient les mieux à même de porter le dispositif vers d’autres territoires : alors que des agents municipaux pourraient rencontrer des difficultés à répliquer l’expérience hors de leur commune, une équipe pédagogique formée à LittoSim sans connaissance des enjeux locaux aurait des difficultés à le porter.  C’est ainsi une solution intermédiaire qui émerge, la formation d’acteurs ayant un ancrage territorial – plutôt régional que local.

Des personnes ayant bénéficié de la formation soulignent l’importance de la pratique, mais aussi l’intérêt d’un relais, d’un contexte :  moi tout seul je ne vais pas organiser un dispositif sur le territoire. Un chercheur résume : ce qui fait la réussite de quelque chose, ce n’est jamais un outil. C’est l’interaction de l’outil avec son contexte.

Le déploiement de LittoSIM : pour quoi faire ?

Les suggestions d’utilisation possibles du dispositif n’ont pas manqué. D’autres territoires ont été évoqués, comme l’outremer. Si les problématiques, en matière de dynamiques littorales, d’érosion ou encore d’occupation du sol sont différentes, des recherches en cours au laboratoire LIENSs devraient apporter dans quelques années les éléments nécessaires pour un éventuel déploiement de LittoSIM en outremer. Outre de nouveaux terrains, le public a interrogé l’équipe sur la possibilité d’utiliser LittoSIM sur de nouvelles thématiques, telles que l’alimentation. Lorsque les dynamiques sociales et environnementales à prendre en compte sont très différentes, il est préférable de développer un nouveau dispositif reposant sur les principes du jeu et de la simulation, et pour cela une démarche comme la modélisation d’accompagnement semble tout à fait adéquate. Plusieurs personnes ont proposé l’utilisation du dispositif actuel dans de nouveaux contextes, à l’image d’un élu présent estimant ne pas avoir appris du dispositif, puisqu’il dispose lui-même d’une formation de chercheur, mais qui souhaite justement voir LittoSIM déployé dans un contexte pédagogique. Le public a manifesté l’intérêt d’une utilisation pour la formation des élus, des techniciens en plus de celle des étudiants. Les discussions ont porté sur les freins au changement en matière de gestion du littoral, et sur la capacité de LittoSIM-GEN à les lever. Une évaluation de moyen-terme a été suggérée. Alors que des difficultés financières ou les paradigmes dominants semblent pour certains indépassables, un élu a mentionné l’exemple d’une ré-estuarisation réussie après dix ans d’échanges, et évoqué le souhait de pouvoir utiliser LittoSIM pour discuter, et accélérer, d’autres projets de renaturation. La capacité du dispositif à communiquer, ou sensibiliser, d’autres publics semble acquise :  On va convaincre, avec LittoSIM, j’en suis persuadé, nos élus. Après, il faudra aller voir nos habitants. Leur dire importance de la déconstruction, de la délocalisation. Avec LittoSIM, on pourra faire entrer ça dans les consciences. Plus que la sensibilisation, les chercheurs ont souligné l’intérêt du dispositif pour la construction d’un nouvel imaginaire collectif. On se rend compte qu’on manque d’un imaginaire collectif sur le long-terme. Des dispositifs comme LittoSIM pourraient permettre de construire et s’approprier ce fameux imaginaire collectif.

Au terme d’une journée très intéressante, riche, on a appris plein de choses ; de remerciements et félicitations ; l’équipe du projet a enjoint le public à s’emparer du projet ou de ses suites. Faites-le, avec grand plaisir, tout est ouvert dans ce qui est produit !

Retrouvez le carnet de recherche LittoSIM