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La nature, une “production sociale” devenue “prison conceptuelle” : retour sur les ontologies de Descola

Philippe Descola est un anthropologue français formé à la philosophie, fortement influencé par les mouvements de pensée du structuralisme et de la philosophie phénoménologique ainsi que par son expérience personnelle au sein du peuple Achuar.

Le structuralisme : un des courants de pensée majeurs de la fin du xxe siècle. L’anthropologue Claude Lévi-Strauss est considéré comme étant son fondateur en France. Selon lui, les activités sociales peuvent toutes être expliquées au moyen de structures et de modèles abstraits universels. Descola ayant été l’élève de Lévi-Strauss, il n’est pas étonnant de retrouver des références à son maître dans Par-delà nature et culture. Par exemple, l’idée même de pouvoir établir une typologie à partir d’un nombre fini de combinaisons entre des ontologies et des modes de relations reprend l’idée de système combinatoire de Lévi-Strauss. On peut observer cet héritage dans cet extrait : « l’ensemble des coutumes d’un peuple est toujours marqué par un style ; elles forment des systèmes. Je suis persuadé que ces systèmes n’existent pas en nombre illimité, et que les sociétés humaines, comme les individus dans leurs jeux, leurs rêves ou leurs délires ne créent jamais de façon absolue, mais se bornent à choisir certaines combinaisons dans un répertoire idéal qu’il serait possible de reconstituer » (Lévi-Strauss, 1955, p. 183). Attention cependant à ne pas confondre l’approche structuraliste avec la pensée systémique qui, elle, repose sur des rapports dynamiques (et non sur des rapports fixes et invariables).

La phénoménologie : un courant philosophique qui considère qu’on peut observer et décrire la réalité à partir de la façon dont elle se donne à être perçue par le sujet au travers de son expérience. La question de l’existence du réel est alors mise de côté pour se concentrer sur les phénomènes apparaissant à la conscience des sujets. Descola a ainsi été particulièrement influencé par les philosophes Edmund Husserl et Maurice Merleau-Ponty qui ont participé à l’introduction de la phénoménologie en France.

Les Achuar : de 1976 à 1979, Descola a mené une étude ethnographique au sein de ce peuple indigène qui vit dans la forêt amazonienne entre le Pérou et l’Équateur. Les Achuar font partie du groupe des Jivaros, connus comme ayant été un peuple de guerriers pratiquant la « chasse aux têtes ». C’est avec les Achuar que Descola a commencé à s’interroger sur la notion de nature.

Le modèle des quatre ontologies que propose Descola dans Par-delà nature et culture (2005) fait partie des grandes références qui influencent encore aujourd’hui les recherches sur les rapports entre les humains et la nature (dans lesquelles s’inscrit mon sujet de thèse).La principale hypothèse de cet auteur est que notre façon de penser ce qu’on appelle couramment la nature est une production sociale, c’est-à-dire un concept élaboré par des humains en société. Ainsi, il ne s’agirait que d’une des visions possibles du (ou des) monde(s). Cette vision aurait fait partie des conditions d’émergence d’un rapport extractiviste de l’espèce humaine à son environnement, contribuant ainsi aux crises écologiques actuelles. En plus de faire partie des causes de l’Anthropocène, cette façon de penser la nature serait aujourd’hui devenue une « prison conceptuelle » pour nos sociétés modernes occidentales (Descola & Pignocchi, 2022, 17’50).

L’Anthropocène : appellation récente qui désigne l’époque géologique ayant débuté dans les années 1950, qui se caractérise par « l’avènement des hommes comme principale force de changement sur Terre, surpassant les forces géophysiques » (Gemenne & Denis, 2019).

En effet, pour Descola, les principaux blocages face aux enjeux actuels sont institutionnels. Cependant, les institutions sont « une stabilisation de ce qu’il y a dans les têtes », d’où l’importance selon lui de comprendre et de dépasser ce mode de pensée inconscient. Cela ouvrirait la voie à d’autres rapports au monde et à l’acceptation de leur diversité, permettant ainsi aux sociétés modernes d’envisager de nouveaux types de solutions écologiques. En attendant :

« L’impossibilité pour les Modernes de schématiser leurs rapports avec la diversité des existants au moyen d’une relation englobante prend un tour presque pathétique lorsqu’ils sont confrontés à la tentation de nouer avec les non-humains une réciprocité véritable. »- Descola, 2005, p. 542

Peintures d’espèces en danger par Angela Manno.

Les quatre ontologies

Pour parvenir à dépasser ce mode de pensée moderne, Descola montre qu’il existe une hétérogénéité des rapports entre humains et non-humains vivants. Parmi cette variété de relations, il remarque de grandes régularités chez différents peuples à travers le temps. Il distingue ainsi différentes façons qu’ont les humains de s’identifier ou non aux autres espèces selon deux critères ou « schèmes d’identification » (Descola, 2005) :
  • Physicalité : englobe différentes acceptations concernant des caractéristiques morphologiques ou physiologiques des êtres : leur forme extérieure, leurs processus biophysiques, leur substance, leurs façons d’agir dans le monde ou comportements (Friedberg, 2007)…
  • Intériorité : rassemble ce qui est souvent appelé « conscience », « âme » ou « esprit », soit les caractéristiques internes des êtres telles que leur intentionnalité, leur subjectivité, leur réflexivité, leurs affects, leur capacité à rêver (Bessis, 2006)…
Critiques des schèmes d’identification : cette distinction (entre physicalité et intériorité) est souvent critiquée car elle paraît très proche de celle cartésienne entre le corps et l’esprit (Friedberg, 2007). Descola admet ainsi que, selon les populations, il existe différentes formes de connexions entre l’intériorité et la physicalité. Toutefois, il affirme que la distinction entre les deux est universelle et que la dualité Corps-Esprit n’en est qu’une des déclinaisons locales possibles, propre à l’Occident (Bessis, 2006).D’autres auteurs critiquent l’élasticité de ces deux critères, que Descola voulait suffisamment large pour englober de nombreux cas. Pour lui, il s’agit ici de présenter des concepts universaux tels que la continuité et la discontinuité, qui sont donc forcément un peu archétypaux.
Le croisement de ces schèmes d’identification fait ressortir quatre combinaisons possibles, selon si les autres êtres ressemblent ou non aux humains quant à leur physicalité et/ou à leur intériorité. Descola établit ainsi sa typologie des quatre grands modes de relations Humain-Nature, aussi appelés ontologies. Il nomme celles-ci :
  • naturalisme
  • animisme
  • totémisme
  • analogisme
Note personnelle : avant le « tournant ontologique » auquel appartient Descola, le terme ontologie avait un autre sens en philosophie, celui de « science de l’être » ou de « discours sur ce qui est » (Prévot, 2021). Après avoir été mis à mal par des penseurs comme Levinas, il est récupéré et transformé par des anthropologues tels que Viveiros de Castro ou Descola. Ce dernier décrit l’ontologie comme « le système des propriétés que les êtres humains attribuent aux êtres et qui intervient dans la détermination des relations qui peuvent exister entre identités humaines et identités non-humaines » (Rougier, 2021). De cette façon, l’ontologie est l’ensemble des choses que l’on fait exister, c’est-à-dire le monde qu’on énacte. Ainsi, chaque ontologie produit un monde différent. Descola ne parle donc pas de visions du monde mais des mondes (Descola, 2014a).De même, Descola inverse la proposition classique du culturalisme en anthropologie : « au lieu de tenir une culture pour acquis et d’en déduire son style de comportements ou de représentations, il soutient que ce sont ces derniers qui définissent une culture et la séparent des autres » (Héran, 2007). Ainsi, c’est un faisceau de comportements et de représentations qui forge une vision des mondes, propre à chaque culture.Enfin, pour ses ontologies Descola se serait inspiré de Foucault pour l’analogisme et le naturalisme (nommé anthropocentrisme par Foucault). À ces deux matrices ontologiques, il aurait ensuite ajouté le totémisme et l’animisme (Callens, 2006).

Détail de chaque ontologie

Le naturalisme

Pour les sociétés naturalistes, les physicalités des êtres se ressemblent. Ainsi, le monde physique est régi par des lois identiques, qui sont étudiables par la science (comme la gravité, par exemple). En revanche, les intériorités diffèrent. Pendant longtemps, les Occidentaux ont ainsi pensé que l’espèce humaine était la seule à posséder un esprit, voire une âme [9]. Cette perspective a notamment donné lieu à la pensée mécaniciste, selon laquelle les animaux étaient uniquement perçus comme des machines (Escobar, 2020).
Note personnelle : voire l’Homme — ou l’homme — occidental uniquement. Par exemple, en considérant certaines races d’êtres humains comme étant inférieures (et pouvant donc servir d’exclaves), ou en distinguant fortement les hommes des femmes.
Aujourd’hui, la majorité des discours sociaux sont plus nuancés mais l’idée d’une hiérarchisation, ou du moins d’une distinction entre les formes d’intériorités, persiste. Par exemple, très peu de personnes aujourd’hui considèrent que les animaux ont une intériorité identique à celle des plantes. Cette discontinuité des intériorités permet également de penser les différences cultuelles entre les humains et de distinguer les individus les uns des autres (l’idée d’une diversité culturelle humaine ayant émergé surtout au XIXe siècle).
Le cas des plantes : cette hiérarchisation et/ou distinction des intériorités des plantes (par rapports à celles des animaux) s’observe notamment via le phénomène occidental de plant blindness ou « cécité botanique », proposé en 1999 par les botanistes James Wandersee et Elizabeth Schussler (Parsley, 2020). Il s’agit du « classement anthropocentrique erroné des plantes comme inférieures aux animaux » (Margulies et al., 2019). Selon ce principe, les humains remarquent très peu la flore autour d’eux, ont beaucoup de mal à considérer son importance dans la biosphère et apprécient moins ses caractéristiques esthétiques et biologiques comparées à celles d’animaux. Cette représentation amènerait ainsi les humains à considérer les plantes comme étant inférieures aux animaux et à leur porter donc moins d’intérêt.Quatre pistes permettraient d’expliquer cet effet chez l’humain : l’attention, l’attitude, la connaissance et l’intérêt relatif. L’attention correspond aux éléments physiques et cognitifs, comme le fait que l’œil humain se focalise surtout sur les éléments en mouvement dans son champ de vision ou bien sur ce qui apparaît en contraste avec le reste de ce qui est perçu (Lindemann‐Matthies, 2005). L’attitude réfère à la manière dont les humains décident délibérément de se désintéresser des plantes, en particulier au cours de leur parcours scolaire. En 1919, le botaniste George Elwood Nichols critiquait ainsi déjà les programmes scolaires de biologie qui confondaient les termes biology et zoology. La connaissance concerne le manque de compréhension des êtres humains concernant l’importance des plantes pour la biosphère (Allen, 2003). Enfin, l’intérêt relatif explique que les hommes seraient davantage attirés par les mammifères partageant des comportements similaires aux leurs et qualifiés pour cela de « loveable mammals » (Kellert, 1985). De cette façon, les enfants semblent préférer en grande majorité les animaux exotiques ou domestiques, et ne s’intéresser aux plantes qui les entourent qu’à condition qu’on les amène à le faire (Lindemann‐Matthies, 2005).
Pour Descola, le naturalisme peut être résumé par le fait de « croire en l’existence de la nature ».-Descola & Pignocchi, 2022 (7’40)
En effet, il s’agit de la seule ontologie qui positionne l’espèce humaine comme étant extérieure à la nature — un phénomène aujourd’hui renforcé par l’extinction de l’expérience de nature (Fleury & Prévot, 2017). Les sociétés à tendance naturaliste sont d’ailleurs les seules à posséder ce type de terme excluant l’humain du reste du monde : pour Frédéric Durcame, l’équivalent du terme « nature » (au sens de « nature-altérité », de cet autre indépendant de l’humain) est principalement apparu dans les langues des civilisations urbaines (Prévot, 2021; Maris, 2018). C’est pourquoi cette ontologie est aussi considérée comme un mode de pensée dualiste, séparant d’un côté les Hommes (ou les sociétés, ou la culture) et de l’autre la nature.
Mode de pensée dualiste : Comme un mode de pensée qui ampute l’humain de la nature en l’en extrayant : en effet, « le dualisme, partout où on le trouve, consiste à envisager la nouveauté émergente comme si elle était amputée de ce dont elle émerge » (Kohn, 2017, p. 92). Pour Arturo Escobar (2013), ce ne sont pas les dualismes en eux-mêmes qui sont problématiques mais leur hiérarchisation (également dénoncée par Derrida).
Ce mode de pensée dualiste repose sur des influences européennes de plusieurs types, telles que les religions judéo-chrétiennes ou le mouvement humaniste, qui considèrent tous deux que l’Homme possède une place spécifique dans le monde.
Note personnelle : le Judaïsme puis le Christianisme amènent l’idée d’une extériorité divine à travers le concept de transcendance de l’Homme et la vision d’un univers tiré du néant par la volonté divine (Maris, 2018). En outre, la notion de transcendance implique à la fois l’extériorité et la supériorité d’une entité qui se retrouvent dans la figure du dieu unique, mais aussi dans le rapport des Hommes au reste du monde et les structures hiérarchiques des sociétés humaines. Cette influence religieuse ainsi que celle de l’Humanisme placent donc l’Homme en dehors de la nature, comme un être central et exceptionnel, mesure de toutes choses.
La plupart des Modernes ont désormais l’impression qu’il s’agit de la façon normale de penser et que celle-ci est fondée sur « quelque chose qui nous semble évident mais qui, au fond, ne l’est pas » (Descola & Pignocchi, 2022). En effet, le naturalisme est une vision rare, une exception dans l’histoire des ontologies. Ce rapport au monde serait d’ailleurs apparu assez récemment en Europe, autour du XVIIe siècle, lors d’une période parfois appelée « Grand Partage ». Il n’atteindra néanmoins sa forme achevée que deux siècles plus tard avec l’apparition de la notion de culture et des sciences qui en traitent. Le naturalisme s’est enfin répandu via la mondialisation, devenant aujourd’hui majoritaire au sein de l’espèce humaine. De cette façon, on parle également d’« ontologie moderne ».
Note personnelle : pour beaucoup de ses héritiers, la description de notre ontologie moderne comme basée sur le dualisme Nature-Culture décrit dans le naturalisme de Descola est trop strict : ils parlent alors d’une « synthèse réductrice » (Héran, 2007). Les modes d’identification du naturalisme seraient plus hétérogènes que ceux présentés ici. Toutefois, ces mêmes auteurs reconnaissent que cette première définition (qui leur semble un peu caricaturale) a été un premier pas essentiel permettant de se faire une idée générale de l’hétérogénéité des relations entre humains et non-humains (via la typologie de Descola).
En outre, le mode de pensée naturaliste se caractérise par une flèche du temps orientée, cumulative et non réversible, distinguant clairement le passé, le présent et le futur (Descola, 2011). De ce fait, cette ontologie se lie à l’idée occidentale de progrès linéaire — la dernière ontologie en date étant donc potentiellement considérée comme étant la meilleure, la plus aboutie (Latour, 2017). L’arbre phylogénétique humain, un exemple très commun en Occident qui rend compte de la vision naturaliste quant à la continuité des physicalités (source). Parfois, ce type de représentations va jusqu’à positionner l’Homme en haut d’une pyramide ou au bout d’une ligne, dans une vision très hiérarchique et linéaire de l’évolution. Toutefois, cette sensation d’évidence— voire de supériorité — supprime la prise de recul et les pensées alternatives. Elle peut aller jusqu’à transformer cette ontologie en un outil de domination, même inconscient. Celle-ci a d’ailleurs pu justifier le colonialisme européen les sociétés proches de la nature étaient considérées comme étant incapables de s’occuper d’elles-mêmes, car incapables de se sortir de la nature (Descola & Pignocchi, 2022).Pour Escobar (2013) cette vision dualiste est toujours instrumentalisée par la modernité. Elle permettrait en effet aux sociétés occidentales de soutenir l’idée qu’elles auraient dépassé leur « culture » et leur « vision du monde » grâce à l’idée d’un accès direct à la réalité par le biais de la science. Cet accès direct leur assurerait une position hégémonique sur la connaissance et, par conséquent, sur tous les autres « cultures » (Cáceres Riquelme, 2019). D’où l’importance pour lui — comme pour Descola — de prendre conscience de l’existence des trois autres ontologies possibles. Fresque murale par le mexicain Saner (Edgar Flores) réalisée lrs de son séjour en France à Fleury-les-Aubrais. On y voit un chevalier embrassant un personnage masqué tout en le poignardant sur le côté avec un couteau, représentation symbolique de la conquistada espagnole en Amérique latine (source).

L’animisme

À l’inverse exact du naturalisme se trouve l’animisme qui considère que les physicalités des êtres sont très différentes alors que leurs intériorités se ressemblent (Descola, 2005). Selon cette vision, les non-humains (vivants, mais aussi des êtres spirituels, les morts ou certains objets) possèdent donc une intériorité semblable à celle des humains. Il est alors possible de communiquer entre les espèces et de déceler des intentions dans les comportements. Ainsi, « le monde naturel est socialisé de part en part » (Martin & Morizot, 2018).
Note personnelle : pour de Costa, cette « attribution d’une âme aux êtres vivants (et aux choses) », n’a jamais disparu des sociétés humaines naturalistes, même prétendument athées, et peut aujourd’hui être exprimé via du scientisme et certaines formes de consommation (notamment des objets d’art) (Chanvallon, 2009, p. 472).
L’animisme est une ontologie commune parmi les Indiens d’Amazonie et le Nord de l’Amérique du Nord, dans l’aire arctique et en Sibérie septentrionale comme parmi certaines populations d’Asie du Sud-Est de Mélanésie et du Japon.
Masques Yup’ik (à gauche et à droite) et Kwakiutl (au centre), représentant/révélant la similarité des intériorités entre les êtres (accessible en rêve), malgré les différences de physicalités (source). Certains peuples animistes se préoccupent du point de vue des non-humains sur les humains : il s’agit alors de perspectivisme. On peut distinguer deux formes de perspectivismes.
  • Le « perspectivisme strict » — identifié par l’anthropologue brésilien Eduardo Viveirios de Castro — est l’hypothèse selon laquelle les animaux percevraient les humains comme étant des animaux non-humains (Héran, 2007). De cette façon, la perception de l’intériorité d’une autre espèce dépendrait du corps d’où provient le point de vue. Bien qu’inspiré par cette idée, Philippe Descola considère que le perspectivisme strict reste confiné à une aire limitée et ne représente qu’une partie des formes pouvant prendre l’ontologie animiste.
  • La deuxième forme de perspectivisme, plus commune, postule que les non-humains se perçoivent eux-mêmes comme des humains. Pour Descola cette conception plus ordinaire correspond finalement à ce que lui qualifie d’« animiste », c’est-à-dire un rapport au monde qui « se contente d’humaniser le monde animal sans imaginer que les animaux animalisent les hommes » (Héran, 2007).
Boy with a Monkey in the Mirror, par Tommaso Salini, 1620 (source).
Pour les animistes, la disparité des physicalités est perçue comme une évidence étant donné la diversité de substances et d’attributs physiques présents sur Terre et observables par les Hommes. De cette façon, ce ne sont pas les intériorités qui séparent les espèces et les peuples humains — puisqu’elles sont indifférenciables — mais leurs physicalités. Ainsi, contrairement à l’ontologie naturaliste qui peut être qualifiée de « multiculturaliste », l’animisme est « multinaturaliste » puisqu’elle se fonde sur « l’hétérogénéité corporelle de classes d’existants pourtant dotés d’un esprit et d’une culture identiques » d’après Viveiros de Castro (Descola, 2005).À titre d’exemple, pour les animistes, il y a autant d’espèces humaines qu’il y a de « manifestations phénoménales » de l’humanité (Descola, 2020b). L’humanité n’est donc pas une catégorie donnée en soi. Les différences de langue, d’outils ou de parures entre deux tribus sont ainsi considérées au même titre que celles de formes de becs entre plusieurs oiseaux : elles permettent de distinguer les « tribus espèces ».
Ici, « le corps possède donc le rôle qui est d’ordinaire dévolu à l’âme pour les occidentaux, celui d’un “différenciateur ontologique” ».– Descola, 2005, p. 188
La relation des Achuar au singe laineux cristallise les rapports sociaux des animistes au monde naturel. Cette relation sociale stabilisée implique des formes d’étiquette, de comportements normés et des bonnes pratiques. Le singe laineux est perçu comme le beau-frère du chasseur. En effet, les comportements de chasse impliquent de le charmer mais aussi de se battre avec lui, ce qui forme une relation entre intimité familiale et sentiment (Martin & Morizot, 2018). Les Achuar se transmettent de générations en générations ce savoir ancestral sur leurs relations sociales.

Singe laineux (source).

Certains peuples considèrent que les vivants — aujourd’hui semblables intérieurement — auraient autrefois eu des corps similaires. Pour retrouver cette forme d’harmonie inter-espèces d’avant le temps actuel, ces animistes cherchent à recouvrer l’unité de corps et d’esprit via des rapprochements physiques avec les autres espèces (par exemple, en portant des parures ornées de plumes). En effet, chez les animistes, on distingue les temps mythique et présent. Néanmoins, les êtres mythiques sont toujours présents dans la vie quotidienne ce qui limite considérablement la distinction entre passé et présent. La conception du temps animiste est une « temporalité de l’instantané », très différente de celle des naturalistes (Descola, 2011, p. 88–89).

Raoni Metuktire, de la tribu brésilienne Kayapo, portant une parure de plume (source).

Certaines personnes souhaitant alerter sur le mode de vie moderne cherchent souvent à montrer un mode de relation au monde très différent et souvent idéalisé, plus en harmonie avec la « nature ». Étant donné que l’animisme est l’opposé conceptuel du naturalisme (l’ontologie occidentale moderne), c’est souvent cette ontologie qui est romancée et achétypale (voire parodiée) dans les productions culturelles occidentales de ce type. Par exemple, le film Avatar (2009) montre un peuple humanoïde, les Na’vi, capables de communiquer avec d’autres espèces, y compris certaines plantes, via ce qu’ils nomment la Tsaheylu. Cela semble alors représenter un écosystème composé d’êtres différents physiquement mais en harmonie via une compréhension mutuelle basée sur ce lien entre leurs intériorités.

Femme Na’vi communiquant avec ses ancêtres via un arbre sacré et grâce à sa Tsaheylu dans le film Avatar (source).

Le totémisme

Dans l’ontologie totémiste, les physicalités et les intériorités se ressemblent. Les corps et les esprits sont forgés à partir d’une même matrice. La fusion au sein de ce collectif hybride d’individus (humains et non humains) menace alors (Bessis, 2006). Toutefois, les êtres sont répartis parmi des groupes totémiques qui se reconnaissent à des attributs physiques et mentaux proches. Pour nommer ces groupes totémiques, les peuples utilisent généralement le nom d’une espèce comme une étiquette symbolique. Il ne s’agit donc pas là de réduire le groupe à cette espèce entière mais simplement de fournir un nom au collectif en désignant une des qualités notamment présente chez cette espèce. À leur naissance, les individus d’ontologie totémiste reçoivent donc le nom d’une espèce animale dont ils deviennent le « jumeau onomastique » (Descola, 2005, p. 299).
Note personnelle : cette idée s’oppose à la définition du totémisme par Lévi-Strauss : contrairement à la vision de ce dernier, ce n’est pas l’espèce en entier qui est mobilisée mais une de ses qualités (Friedberg, 2007). Parfois il s’agit même d’un objet et non d’un être vivant.
Ces groupes totémiques sont donc comme des matrices immuables dont les individus humains et non-humains sont des incarnations. La singularisation de ces individus est rendue possible en considérant que chaque être est une nouvelle actualisation d’un des états successifs de l’identité collective. Ainsi, chaque incarnation d’une âme-enfant est « l’actualisation d’un des états successifs par lesquels est passée la genèse de l’identité collective propre à l’ensemble dont il fait partie » (Descola, 2005, p. 404). Les qualités héritées du groupe totémique s’actualisent ainsi de génération en génération dans des humains et des non-humains vivants.

Totems au Canada (source).

Le totémisme est une ontologie beaucoup moins répandue géographiquement que les trois autres. Cela pourrait être dû à la configuration historique de son principal lieu de manifestation. En effet, on retrouve des peuples totémiques principalement en Australie, un continent occupé depuis plus de 60 000 ans et qui a évolué depuis en vase clos avec un minimum de contacts avec l’extérieur, notamment avec la Nouvelle-Guinée. Certains éléments comparables ont déjà été observés à moindre échelle dans d’autres continents tels que l’Amérique du Nord.Chez les aborigènes australiens, un même mythe est souvent retrouvé : selon celui-ci, avant le temps actuel aurait existé le temps du Rêve durant lequel des Êtres du Rêve auraient émergé en des lieux précis. Ces êtres auraient déjà été répartis en groupes totémiques au moment de leur venue. Leur apparence physique et leur nom mélangeaient des attributs de plantes et d’animaux (Descola, 2005, p. 259). En disparaissant, ces Êtres du Rêve auraient laissé en place des stocks d’esprits à certains endroits. Ces esprits étaient destinés à s’incorporer dans de nouveaux individus possédants chacun un totem. De ce fait, l’ordre « social-et-naturel » actuel avait déjà été établi par ces êtres (Descola, 2005a, p. 228). Les corps autrefois hybridés se sont différenciés visuellement au fur et à mesure des incarnations successives des groupes collectifs, jusqu’à apparaître tels qu’on peut les observer aujourd’hui.
Note personnelle : aujourd’hui, certaines recherches en sciences modernes montrent des résultats qui pourraient se rapprocher de cette vision des corps fusionnés. En effet, « chaque être vivant est fait de protéines assemblées selon les instructions encodées dans les molécules d’ADN et d’ARN. Ainsi, l’hérédité partagée entre les espèces est telle que l’on retrouve les quatre-vingt-dix-neuf pour cent des gènes des souris chez les humains » (Narby & Huxley, 2002, p. 53).

Représentation abstraite des stocks d’esprits laissés par les Êtres du Rêve à leur départ, puis de leur incarnation dans les corps en place (source).

Ce mythe du temps du Rêve entraîne une conception du temps particulière. En effet, ce temps n’est pas vraiment révolu car la structure, l’ordre du monde par groupes totémique est toujours à l’œuvre : « un cadre invisible du cosmos garantissant la pérennité de ses subdivisions ontologiques » (p. 259). Le temps du Rêve est donc bien accompli mais ses effets sont toujours observables dans le présent. Cela forme une sorte d’amalgame entre ce passé et le présent d’où émerge une sensation d’éternité. Il n’existe donc pas de flèche du temps représentant le passé révolu et le présent (comme en naturalisme). Ici, il s’agit davantage d’un « mélange de présent éternel et dépassé reconduit dans l’instant ».Les aborigènes emploient des stratégies figuratives qui sont souvent très abstraites, comme pour montrer la fusion des collectifs hybrides, c’est-à-dire l’indissociabilité des corps et des esprits. Descola en relève trois types, qui sont autant façons de représenter l’ordre du monde. Celui-ci est figuré soit par l’image de ceux qui l’ont engendré sans montrer le résultat de leurs actions ; soit par leur résultat, en omettant ceux qui en sont la cause ; soit par les évènements ayant permis de parvenir à ce résultat et les sites ayant servi de cadre à l’action.

Long Jack Phillipus Tjakamarra, Rêve d’eau à Kalipinypa, 1938–1992 (source).

L’analogisme

L’opposé conceptuel du totémisme est l’analogisme. Selon cette ontologie, les physicalités et les intériorités sont toutes différentes. Les êtres naviguent donc au sein d’un « chaosmos de singularités » (Bessis, 2006). Il est toutefois possible de se repérer dans le monde via des rapprochements analogiques. En effet, les multiplicités de formes et de substances sont ordonnées sur une échelle graduée reliée à un dense réseau de correspondances permettant d’intégrer les propriétés intrinsèques des entités distinguées. Il existe ainsi un ordre du monde qui permet de créer du sens via des indices que les êtres peuvent interpréter. Selon Descola, « c’est [donc] bien la différence infiniment démultipliée qui fait l’état ordinaire du monde, et la ressemblance le moyen espéré de le rendre intelligible et supportable » (Descola, 2005, p. 281).Cette forme d’ontologie est très commune dans le monde (Bessis, 2006). On l’observe surtout dans les grands entités ou ensembles, tels que la Chine, l’Inde, l’empire aztèque ou encore chez les Dogon en Afrique de l’Ouest. Une des hypothèses explicatives de ce fait serait que ces grands ensembles recouvrent une telle diversité de pratiques, de territoires et d’êtres qu’il faudrait passer par l’analogisme afin de créer du lien et du sens entre ces éléments. En outre, il s’agit généralement de sociétés hiérarchisées, qui correspondent donc aussi du fait de leur structure au fonctionnement d’une échelle graduée. À gauche : Illustration pour les très riches heures du duc de Berry (1412–1416). Au centre : statue du dieu A’a, Rurutu. À droite : Le corps subtil, Tibet (XIXe siècle) (source). Comme exemple, on peut penser à la divination chinoise qui repose sur des corrélations entre microcosme et macrocosme, dans une logique de continuum. Par ailleurs, certaines populations mexicaines considèrent que les composantes d’un être sont localisées dans certains organes qui commandent en même temps les fonctions physiologiques et psychiques (Friedberg, 2007). Ces liens reposent également sur un réseau de correspondance. En outre, l’analogisme s’accompagne souvent d’une croyance dans une « chaîne des êtres qui se répartissent selon leur degré de perfection — l’homme étant au sommet » (Friedberg, 2007, p. 171).
Note personnelle : certaines éco-féministes reprochent à Descola (et à Foucault dont il s’inspire sur cette partie) de ne pas avoir mentionné les analogies encore effectuées aujourd’hui entre les femmes et la nature, dans un processus de double dévalorisation (Hache, 2019).
D’autres types de sociétés totémiques conçoivent l’existence de divinités analogiques. Ce seraient d’ailleurs ces dernières qui auraient créé l’ordre du monde et laissé des indices aux êtres pour qu’ils s’y repèrent. Ces divinités analogiques font l’objet d’un vrai culte dans des endroits précis : les peuples leurs font des offrandes (comme des sacrifices ou des prières) à certains moments clefs. L’immanence de ces entités divines est donc contrebalancée par leur inscription dans un lieu ou un objet précis. Le monothéisme a en apparence réussi à fusionner tous ce particularisme dans un Dieu polyvalent, « détaché de tout lieu et de toute appartenance segmentaire » (Descola, 2005, p. 472). Toutefois, le catholicisme a rapidement restauré la distribution des entités propre à l’analogisme via le culte des Saints, en certains lieux précis. Sculpture de saint celtique, dans la Vallée des Saints en Bretagne, projet porté par Philippe Abjean, Sébastien Minguy et Philippe Hajas (source). En effet, l’analogisme a longtemps été la principale ontologie en Europe, de l’Antiquité à la Renaissance. Les Européens considéraient ainsi que l’entité extérieure au système, leur donnant des indices pour s’y retrouver, était Dieu. De cette façon, les médecins du Moyen-Âge pouvaient penser qu’une plante ayant des feuilles en forme de cœur était un remède destiné à l’organe du même nom.

Détail d’une enluminure du Canon medicinae d’Avicenne (source).

L’analogisme s’accompagne également d’une conception cyclique du temps, comme on l’observe dans de nombreuses représentations au Moyen-âge en Europe également. Étant donné cette conception temporelle, les ruptures dangereuses se manifestent à chaque changement de cycle — cela engendrant, par exemple, des prophéties apocalyptiques telles que celle des millénaristes et de leur idée d’un Jugement Dernier (Dumas-Reungoat, 2010).La différence entre analogisme et animisme n’est pas toujours évidente à faire (surtout depuis le point de vue naturaliste). Descola propose plusieurs astuces pour les distinguer. Par exemple, il considère que la place prépondérante des ancêtres et des rituels sacrificiels est caractéristique des ontologies analogiques et demeure inconnue dans les systèmes animiques (Friedberg, 2007). Par ailleurs, on peut distinguer d’un côté les phénomènes de possession analogistes et d’un autre côté des pratiques similaires mais différentes dans les systèmes animiques : la prise de drogues (destinées à libérer l’intériorité de son carcan physique pour voyager) ou les pratiques chamaniques cherchant à voyager volontairement vers le monde des esprits. Néanmoins, cet exemple n’est pas une règle générale. L’opposition entre la possession et la transe chamanique n’est pas non plus avérée partout où il y a animisme. En effet, chez certains peuples animistes comme les Yanomami, l’esprit avec lequel le chaman communique peut aussi venir l’habiter (Friedberg, 2007).

Artiste et chaman entre deux mondes, par l’artiste amérindien Norval Morrisseau en 1980 (source).

Prise de recul

Récapitulatif des ontologies

Sources des images, en haut puis en bas : https://journals.openedition.org/developpementdurable/2954 et https://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_Descola.

L’image du haut est la représentation la plus courante de la typologie des quatre ontologies de Descola. Elle permet d’identifier rapidement les ontologies opposées (inverses symétriquement), situées par couple en diagonale : le naturalisme contre l’animisme et le totémisme contre l’analogisme. Les ontologies situées sur la même ligne ou la même colonne n’ont qu’un élément différenciant. Il se pourrait alors que le passage de l’une à l’autre soit plus simple: par exemple, le passage des sociétés européennes d’une ontologie analogique au naturalisme. Cette même idée s’observe peut-être encore plus facilement dans la représentation du bas. Les ontologies possédant au moins une caractéristique commune se retrouve en effet dans les mêmes cases.Par ailleurs, nous venons de voir que le naturalisme venait de l’analogisme et était de plus en plus en contact avec des formes caricaturales d’animismes via certaines productions culturelles actuelles. Cela pourrait peut-être se traduire par le fait que les Modernes soient plus familiers de ces deux ontologies-la et aient beaucoup plus de difficultés à comprendre le totémisme. Il semble alors probable que ce rapport au monde vienne moins spontanément à un occidental cherchant à transformer sa relation à la nature.

Ontologies hybrides

Contrairement à beaucoup de ses pairs à son époque, Descola refuse de s’inscrire dans une perspective diffusionniste (les ontologies se diffusant entre les peuples lors de leurs rencontres), telle qu’a pu le proposer Mircea Eliade. Selon lui, il y aurait en effet trop de récurrences éloignées entre des cultures de mêmes ontologies pour parler de diffusion. De même, il réfute l’hypothèse selon laquelle « la propension à anthropomorphiser le monde animal [émergerait] spontanément dans les sociétés de chasseurs-collecteurs sans écriture » en proposant des contre-exemples, comme l’Inde ancienne ou le Japon(Héran, 2007, paragraphe 4) : en effet, on y retrouve la vision d’un continuum cosmique qui intègre les hommes, les animaux et les plantes. Dans les sacrifices indiens de l’époque, par exemple, Charles Malamoud montre que l’humain était considéré comme le premier des animaux qu’il convenait de sacrifier aux dieux (Héran, 2007).Pour Descola donc, les diverses formes d’ontologies seraient apparues spontanément à différents endroits du globe comme des solutions appropriées aux circonstances rencontrées. Il interprète alors ce phénomène comme la preuve qu’il existerait un potentiel de chacune des ontologies dans chaque être. Chaque ontologie repérée aujourd’hui serait donc une des actualisations possibles parmi celles existant en puissance, chacun de ces « choix » ayant des avantages et des inconvénients (Descola, 2014b).C’est pourquoi il nuance son propos sur le modèle des quatre ontologies. Il ne s’agit pas de classer les sociétés et les individus de façon unique et définitive dans cette matrice mais plutôt de prendre conscience des grandes « polarités » vers lesquelles ils vont tendre en fonction des circonstances (Artaud, 2016). Les ontologies permettent ainsi d’identifier les « tonalités majeures » (en non uniques) des sociétés et des individus. Les humains se situent donc plus concrètement dans des « ontologies hybrides ».
« Chaque individu compose un monde qui lui est propre, mais qui empiète en partie sur le monde d’autres individus, et c’est le chevauchement des mondes d’un grand nombre d’individus, ce qu’on appelle habituellement une culture, qui va donner une cohérence à tous ces mondes particuliers parce que les règles de composition y sont plus faciles à élucider »- Descola, 2014b
À titre d’exemple, la plupart des Français sont majoritairement naturalistes (ils croient à la science, dans le fait d’appartenir à un arbre phylogénétique par une continuité des physicalités, etc.). Toutefois, ils peuvent également exprimer un rapport animiste, notamment lorsqu’ils interagissent avec leur animal de compagnie (d’une façon laissant entendre qu’ils considèrent l’animal comme les comprenant et ayant des intentions similaires à celles des humains). De même, se fier à l’astrologie ou à des médecines douces telles que l’homéopathie sont des traits révélateurs d’analogisme. Enfin, certains individus s’identifient à tel point à un lieu (souvent appelé alors « territoire ») et à l’ensemble des vivants y habitant que « le reste du monde leur paraît être d’une nature entièrement différente de celle du collectif auquel ils sont attachés » selon une conception totémique (Descola, 2005, p. 322).
Note personnelle : la vision totémique est tout de même beaucoup moins répandue. On l’observe chez certains Français vivant très proches de la nature dite sauvage, comme notamment à la zone à défendre de Notre-Dame-des-Landes.

Homme “discutant” avec son chat (source).

Évolutions possibles ?

Le système d’ontologies décrit par Descola est un état des lieux. La répartition des sociétés et des individus au sein de cette typologie n’est pas censée être figée. Il se peut même que le système lui-même évolue, de façons contrainte et accélérée par les crises actuelles. C’est peut-être d’ailleurs car nous nous situons à un « tournant ontologique de l’Anthropocène » qu’apparaissent des sujets et des chercheurs tels que Descola (Prévot, 2021). Plusieurs théories existent à ce sujet, dont deux d’entre elles sont détaillées ci-dessous.

Vers un « analogisme réel »

Tout d’abord, Descola (2004) lui-même formule brièvement plusieurs hypothèses, dont celle d’un passage à un « analogisme réel », détaillée ici.

Portrait de Descola par Lucille Clerc pour “L’OBS” (source).

En effet, l’ontologie naturaliste jusqu’à présent majoritaire serait soumise « à de fortes pressions », depuis quelques dizaines d’années. Il serait alors probable qu’elle subisse une série de mutations, en particulier quant à son acceptation de la différenciation des intériorités. Ce phénomène s’observe à travers plusieurs signaux faibles tels que :
  • l’émergence des biotechnologies et de l’IA (avec notamment la question de déterminer ce qui est intelligent),
  • les mouvements de libération animale et de véganisme,
  • l’émergence des droits de la nature et des éthiques environnementales,
  • les découvertes scientifiques quant aux cultures animales (rendant plus difficile leur distinction des sociétés humaines). D’ailleurs, les savants (éthologues, cognitivistes, juristes) seraient désormais « moins prompts à affirmer une discontinuité entre les humains et les non-humains » (Descola, 2005, p. 251),

Affiche de l’exposition “Animal Liberation” à New York City par SaveArtSpace, en août 2022 (source).

Pour Descola, ces signaux faibles ne contredisent pas son hypothèse du naturalisme comme ontologie majoritaire actuelle. Selon lui, il en existe des résidus suffisamment forts pour le prouver. Il y aurait même des courants de pensée contemporains tentant d’éliminer l’existence même de l’esprit (Friedberg, 2007). Ce sont davantage les domaines de la philosophie morale et du droit qui pourraient menacer le naturalisme, mais ceux-ci sont encore très minoritaires. Néanmoins, ces signaux sont autant de révélateurs et de facteurs d’un changement en cours dans les sociétés naturalistes.Selon Descola, le phénomène de mondialisation a formé une sorte de grand ensemble moderne. Cela a permis la diffusion massive du naturalisme, mais risque également de provoquer sa fin. En effet, il est probable qu’il faille à nouveau se reposer sur des correspondances analogiques pour créer du sens dans cette structure qui recouvre une multiplicité de territoires, de cultures, de valeurs, etc. — cela étant corrélé aux incertitudes provoquées par l’Anthropocène ainsi qu’à l’accélération des échanges d’informations et de matières.

Flux d’échanges internationaux à l’ère de la mondialisation (source).

C’est pourquoi Descola pense que le plus probable pour les sociétés modernes serait qu’elles tendent vers une nouvelle forme d’analogisme : « un système dans lequel ce collectif-monde sera à la dimension de la planète, avec des fragmentations internes du type de celles des collectifs analogiques : des hiérarchies, des segmentations, et une place sans doute différente pour les non-humains (s’agissant à la fois des artéfacts et des organismes biologiques) à l’intérieur du collectif » (Descola, 2004). Il ne s’agira donc pas d’un retour en arrière, à l’analogisme d’avant la Renaissance, mais bien de l’émergence d’un nouveau type d’analogisme, l’« analogisme réel ».
Note personnelle : à ma connaissance, Descola ne s’étend pas beaucoup sur ce sujet. C’est pourquoi je n’apporte pas plus de précisions ici.

Schéma personnel du passage à l’”analogisme réel” prôné par Descola.

Vers une 5ème ontologie ?

Selon Martin et Morizot (2018) cette fois-ci, le contexte actuel offrirait pour la première fois les conditions de réalisation d’une fusion entre le naturalisme et l’animisme. Habituellement, tout oppose pourtant ces deux ontologies : leur symétrie anthropologique (exclusion logique) comme leur passif historique (confrontation politique), avec le colonialisme notamment. Nonobstant, les crises écologiques permettraient une rencontre qui aurait le potentiel de faire émerger une 5ème forme d’ontologie, encore jamais vue.

Portraits de Morizot (en haut) et Martin (en bas) par Yann Legendre (source).

Les changements très rapides induits par l’Anthropocène perturbent profondément le fonctionnement à la fois des sociétés animistes et de celles naturalistes. Chez les animistes, les savoirs ancestraux développés pour entrer en relation avec les autres êtres (via leur intériorité similaire) échouent de plus en plus. En effet, les espèces qu’ils connaissaient déjà se déplacent plus vite entre les territoires ou changent de comportements rapidement. En outre, de nouvelles espèces apparaissent. Ces espèces sont alors assimilées aux « êtres de métamorphoses », des êtres présents au « temps du mythe » (c’est-à-dire le temps d’avant le temps, quand les êtres étaient encore indistincts) puis étant restés dans le temps présent, avec lesquels les humains n’ont pas réussi à stabiliser de relations sociales (et donc qu’ils ne « connaissent pas ») (Martin & Morizot, 2018, paragraphe 17). Ces êtres de métamorphose sont habituellement très rares. Mais les changements décrits plus haut font de ces anomalies la norme.

Grolar : espèce hybridée entre le grizzly et l’ours polaire (source).

Chez les naturalistes, ces mêmes êtres posent également des problèmes. Par exemple, on retrouve parmi ces nouvelles espèces des hybrides, nommés clagogames, tels que le coywolf (mélange de loup et de coyote) ou le grolar (mélange d’ours polaire et de grizzly). Les scientifiques occidentaux n’arrivent pas bien à les catégoriser car les espèces sont habituellement censées être délimitées par leur fécondité́ (ce qui n’est plus le cas ici). Des problématiques similaires se posent quant à la découverte de « chimères », c’est-à-dire d’espèces entrant en symbiose pour produire de nouvelles formes de vie, ne serait-ce que via les concepts d’holobionte ou de symbionte. De la même façon, les représentations sociales des naturalistes sur les espèces non-humaines changent. Par exemple, « les animaux d’élevage oscillent entre viande et personnes », sortant ainsi des catégories strictes dans lesquels ils étaient habituellement rangés (Martin & Morizot, 2018, paragraphe 27).
« Des êtres multispécifiques dont les propriétés émergentes nous échappent encore » apparaissent.- Martin & Morizot, 2018
Holobionte : un complexe supra-organique, aussi nommé « supra-organisme ». Un individu humain est ainsi un holobionte en ce qu’il est l’hôte de nombreux micro-organismes qui constituent pour moitié son corps.Symbionte : un organisme s’inscrivant dans une relation de symbiose plus large, comme un organisme contenu dans les organes d’un hôte plus gros et nourri par ce dernier. Par exemple, les bactéries qui génèrent la bioluminescence chez certains poissons des profondeurs.

Coywolf : espèce hybridée entre un coyote et un loup (source).

Ce sont donc plus ou moins les mêmes phénomènes qui perturbent les tenant de ces deux ontologies habituellement opposées. Pour Martin et Morizot, il s’agit donc bien d’une occasion pour les sociétés de ces deux types de se retrouver, non plus face à face, mais côte à côte, « face à cette incompréhension, et dans une vulnérabilité qui est partagée » (2018, paragraphe 35). En acceptant de s’imprégner un peu l’une de l’autre, cette situation pourrait alors faire émerger une 5ème ontologie — à condition que les sociétés naturalistes acceptent de se laisser affecter malgré leur position dominante.Toutefois, les auteurs apportent deux points d’attention à leur idée. Tout d’abord, il s’agit bien d’une nouvelle ontologie et non d’un appel, voire d’une injonction, à devenir animiste. En effet, on assiste de plus en plus à ce type de discours selon lequel « il faudra devenir Indiens pour survivre et sauver la planète », comme si les Modernes étaient « condamnés à devenir totalement autres, adoubant le point de vue de leurs victimes, dans une haine de soi interminable qui constitue la malédiction d’une part de l’anthropologie contemporaine » (Martin & Morizot, 2018, paragraphe 30). Ce discours, souvent sur fond de culpabilité judéo-chrétienne de la perte du jardin d’Eden, serait la promesse de retrouver une forme d’harmonie à la nature via un rapport déjà connu par les sociétés animistes. Néanmoins, ces dernières considèrent la plupart du temps cette façon de voir occidentale comme une nouvelle forme d’appropriation culturelle, un « accaparement de plus ». De plus, « on ne décrète pas les transformations […] ontologiques », c’est-à-dire notamment qu’on ne peut pas choisir de devenir animistes (Descola, 2020a). Un changement d’ontologie se réalise spontanément, petit à petit.Le second point d’attention concerne le fait de repenser les relations et les statuts des êtres en les laissant émerger du terrain. Selon les auteurs, il ne faut en effet pas décréter a priori ceux qui seraient les plus souhaitables, sinon on risque de ne pas sortir des ontologies déjà en place. Il vaut mieux « laisser monter du terrain, probablement, des relations inventées ici et là, des récits différents et à chaque fois ajustés à la bizarrerie métamorphique de ce qui se passe » (Martin & Morizot, 2018, paragraphe 46). Toutefois, cette attente se fera pendant que les rapports avec les autres espèces ainsi que leurs statuts deviennent de plus en plus incertains, flous ou « métaphoriques ». On peut alors se demander : « quel est le degré de métamorphisme qu’un esprit peut supporter sans s’effondrer ? ».

Schéma personnel de la fusion entre l’animisme et le naturalisme pour former une cinquième ontologie.

Hypothèse personnelle

L’hypothèse que je retire de ces deux théories d’évolutions de l’ontologie naturaliste est la suivante : l’« analogisme réel » de Descola ne pourrait-il pas aider à supporter les incertitudes et les incompréhensions liées à l’émergence d’une 5ème ontologie (comme le prônent Martin et Morizot) ? Cette idée irait dans le même sens que notre analyse précédente quant à la probablement plus grande facilité à passer d’une ontologie à l’autre si celles-ci partagent au moins une caractéristique en commun : l’analogisme agirait ainsi comme un pont entre l’animisme (avec lequel il partage la notion de différenciation des physicalités) et le naturalisme (différenciant les intériorités).

Schéma personnel du passage à une cinquième ontologie via une étape d’”analogisme réel”.

Petit bonus pour entrer encore plus dans le détail

Les schèmes de relation

Comme nous venons de le voir, les schèmes d’identification permettent de former le système des quatre ontologies. Ces modes d’identification définissent des « qualités des êtres du monde qui sont positionnelles », c’est-à-dire que la nature des entités est définie en fonction de leur position (ressemblance ou non) sur deux critères (physicalité et intériorité) par rapport aux humains (Descola, 2020b, 12’15). Mais cela n’équivaut pas à définir les relations que ces entités, identifiées de différentes façons, vont entretenir entre elles. C’est pourquoi, Descola ajoute aux schèmes d’identification ceux de relation, qu’il définit selon les « conséquences institutionnelles que [ces] relations engagent » (13’15). En effet, ces relations sont instituantes en ce qu’elles forment les principes actifs d’institutions concrètes qui, elles, deviennent le cadre des interactions entre les humains et les non-humains.
Note personnelle : c’est pourquoi Descola considère que parler d’ontologie relationnelle est dépourvu de sens car « au fond, tout est relationnel, ou rien ne l’est » (Descola, 2020b, 12’30).
Selon Descola, il existe deux modes de relation :
  • potentiellement réversibles (telles que l’échange, le don ou la prédation)
  • non réversibles (production, protection ou transmission)

Distribution des relations selon le type de rapport entre les termes (Descola, 2005, fig. 10).

Ces six modes se modulent selon les caractéristiques — et donc aux modes d’identification — attribuées aux êtres entrants en relation. De cette façon, l’animisme peut être décliné selon les trois formes potentiellement réversibles : prédation, échange ou don. Étant donné que les intériorités sont considérées comme étant semblables, les êtres (ou les « termes ») des échanges ont un même niveau statutaire, sans hiérarchie : ce sont tous des personnes (Descola, 2020b). Leurs relations varient sur cette base-là.
  • L’animisme prédateur implique une appropriation ou une destruction des corps des ennemis qui va jouer un rôle fondamental dans la définition de l’identité propre des humains de ces tribus (par exemple, le cannibalisme ou bien via la « chasse aux têtes » chez les Jivaro). Par exemple, l’incorporation du corps ennemi permet ainsi d’incorporer le point de vue que cet ennemi portait sur soi : l’incorporer revient donc à s’assurer de sa propre identité, via l’imprégnation du point de vue de l’autre. Pour Descola, cet exemple montre bien que les modes de relation sont essentiels pour la définition de l’identité. Dans le cas de la prédation, les morts non-humaines ne sont pas compensées, tout comme les morts humaines à l’inverse. En revanche, un nombre trop important de morts expose à la vengeance du « maître des animaux ».
Exemple de “tête réduite” chez les Jivaro (source).
  • En revanche, le mode de l’échange implique de récupérer quelque chose pour tout ce qui est donné. À titre d’exemple, chez certaines tribus du nord-ouest amazonien, les proies gagnées par la chasse sont échangées contre les âmes des morts humains qui deviennent alors une source de ré-alimentation du système non-humain pour les multiplier. Cet échange peut aussi être réalisé via des offrandes d’autres types. Ce mode de relation prévaut également chez les humains. Par exemple, les hommes de certains peuples doivent forcément épouser des femmes parlant une langue différente de la leur.
Oovo, en Mongolie. Un oovo peut prendre plusieurs formes, le plus souvent ce sont de grands cairns formés au fil du temps par des dépôts successifs de différents éléments dont des khata (écharpes tibétaines). On peut y faire des offrandes aux esprits, le plus souvent en déposant devant de l’alcool ou du lait. Par exemple, chaque grand départ s’accompagne d’une offrande de lait devant l’oovo (source). Les peuples de l’Altaï proposent également de nombreuses offrandes musicales, un sujet que je vous invite à découvrir via mon travail précédent à ce sujet (lien ici).
  • Enfin, le don est entendu en son sens commun de donner sans espoir de retour (et non pas au sens du « don » de Mauss, qui impliquerait une obligation de rendre via un contre-don). On retrouve ce mode de relation en Amazonie, au nord de l’Amérique du Nord ainsi que chez les Inuits. Pour ces derniers, les non-humains sont pris de compassion face à la souffrance des Hommes et se livrent donc à eux spontanément et sans espoir de compensation. Au sein des peuples humains, la notion de partage prime et les différences entre les individus sont minimisées.
Pour Descola, le système de relations (dont nous venons de voir quelques déclinaisons) permet de donner une flexibilité aux modes d’identification, et donc de mieux englober la diversité culturelle au sein d’une même ontologie.En outre, ces nuances offrent une grille de compréhension de la façon dont un mode d’identification (et donc une ontologie) se transforme. Ainsi, au sein d’une ontologie, les modes de relations changent en fonction des contextes, jusqu’à ce que les relations ne soient plus adaptées à l’identification et que l’ontologie majoritaire change. Cette idée fait partie des dernières recherches de Descola, encore peu détaillées, dont est ressortie notamment l’idée d’un passage du naturalisme à un « analogisme réel » comme nous l’avons évoqué précédemment. L’auteur s’interroge également sur l’ancien passage du détroit de Bering qui aurait coïncidé avec le passage d’un animisme du don (encore présent chez les Inuits) à un analogisme hiérarchique (fondé sur la hiérarchie via la notion de protection — par exemple, au Moyen-Âge : l’Homme protège le bétail, tandis que Dieu protège l’Homme) via un enchaînement de petites variations logiques.

Conclusion

Aux quatre ontologies qui ressortent des différents modes d’identification, Descola introduit deux nuances :
  • d’une part, les individus et leur société se situent toujours dans des ontologies hybrides, bien qu’une des quatre soit majoritaire ;
  • d’autre part, ces schèmes d’identification sont des principes initiaux sur lesquels se forment des modes de relations qui déclinent différentes spécificités culturelles au sein d’une même ontologie.
L’objectif de Descola était de « rendre compte des différentes formes de continuités et de discontinuités entre humains et non-humains [au travers d’une nouvelle matrice] qui ne s’appuierait pas sur un modèle occidental dans lequel c’est l’une de ces formes de discontinuités — le rapport entre nature et société — qui domine » (Descola, 2020b, 1’06). En ce sens, il se défend du dualisme classique Nature-Culture. Néanmoins, certains auteurs considèrent que les modes d’identification de Descola reproduisent une forme de dualisme, difficile à différencier de cette autre opposition classique entre l’esprit et la matière (Bessis, 2006 ; Héran, 2007).Ces mêmes auteurs interrogent la vastitude des termes employés par Descola : physicalités et intériorités. Selon eux, ces catégories pourrait soit être facilement réduites à une opposition des caractéristiques du dehors et du dedans, soit leur stricte opposition serait vaine étant donné qu’elles déborderaient l’une sur l’autre en fonction des cas auxquelles elles seraient appliquées. Dans le premier cas, cela introduirait bien une nouvelle forme de dualisme — que Descola prône être plus interculturel. Quoi qu’il en soit, le dualisme Ressemblance-Différence, lui, persiste bien.Friedberg (2007) s’interroge alors sur la nécessité même de faire cette distinction si difficile à établir et qui semble échouer à sortir d’un mode de pensée dualiste. En effet, seules deux ontologies les distinguent vraiment : les peuples naturalistes et animistes qui ne considèrent qu’une des deux caractéristiques comme étant similaires aux leurs. Pour les totémistes, les deux sont semblables et participent donc d’une même « essence », tandis que pour les analogistes, les différences se retrouvent partout, lisibles via des jeux de correspondance. De plus, comme on l’a vu avec l’hypothèse de l’émergence d’une cinquième ontologie, les découvertes scientifiques repoussent sans cesse la frontière entre ces caractéristiques chez les naturalistes. Et pour l’animisme, l’intériorité est considérée dans un sens si large qu’elle ne s’oppose plus forcément à l’apparence externe et au comportement. D’autres auteurs encore critiquent le manque de prise en compte de la spiritualité, d’explication des causes de ces ontologies ainsi que de leur répartition actuelle…

Références de l’article

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